Définir ce qu’est réellement une enquête interne
L’enquête interne, ou enquête administrative, a pour objectif d’établir les faits. Elle ne vise ni à évaluer les risques psychosociaux (RPS), ni à mesurer la qualité de vie au travail (QVT). Son rôle n’est pas de juger, ni d’améliorer les conditions de travail, mais de rechercher la vérité factuelle, selon une méthodologie encadrée par le droit.
L’une des premières confusions à lever consiste à placer l’enquête interne au même rang qu’une enquête RPS ou QVT. C’est une erreur. L’enquête interne obéit à des principes juridiques stricts : indépendance, impartialité, contradictoire, transparence, loyauté, délicatesse et proportionnalité. Ces principes ne sont pas des créations contemporaines issues du bon sens, mais des fondements historiques du droit appliqués depuis plus de deux siècles par les magistrats.
Les principes juridiques essentiels
L’application de ces principes instaure un cadre d’action rigoureux et régulé.
Indépendance
Les enquêteurs doivent être totalement indépendants des personnes potentiellement mises en cause. Ainsi, un directeur général ou un DRH impliqué dans les faits ne peut pas conduire l’enquête. En cas d’intervention externe, le rapport ne doit pas être remis à la direction directement concernée, mais à la personne morale représentant l’entreprise. Les conflits d’intérêts sont également incompatibles avec une enquête interne. Un avocat-enquêteur ne peut être à la fois conseil habituel de la société et en charge du contentieux lié aux faits examinés.
Impartialité
Elle exige la maîtrise de méthodes précises, permettant de travailler à charge et à décharge. L’enquêteur doit posséder à la fois une compétence juridique et une expertise dans le domaine concerné. Par exemple, mener une enquête pour harcèlement moral requiert une pratique spécifique ; un spécialiste de la corruption ou du RGPD ne serait pas compétent pour statuer.
L’impartialité implique aussi de savoir conduire les auditions suivant un protocole rigoureux. Les meilleures équipes réunissent souvent l’expérience d’enquêteurs publics et la rigueur d’avocats formés aux méthodes d’investigation.
Des méthodes d’investigation maîtrisées
La qualité d’une enquête interne repose sur la fiabilité des auditions et la neutralisation des biais cognitifs. Travailler à deux permet d’obtenir une vision globale et équilibrée des faits. Il ne s’agit pas de collecter un grand nombre de témoignages pour renforcer artificiellement une version : cinq témoignages identiques sur un comportement ne prouvent pas un fait concret. Seuls les témoignages circonstanciés, précisant le lieu, la date et le moment des faits, ont une valeur probante.
Le principe de délicatesse
La délicatesse consiste à garantir la liberté et la responsabilité de la parole. Les entretiens doivent offrir un environnement serein, propice à une expression libre mais respectueuse. Les transcriptions doivent être enregistrées afin d’assurer la traçabilité des propos et la possibilité de vérification ultérieure. Chaque personne concernée doit pouvoir relire et valider sa propre déclaration.
Loyauté et transparence
La loyauté est un pilier du droit du travail. L’employeur a l’obligation de garantir que l’enquête est menée dans des conditions éthiques, respectueuses des droits fondamentaux. À défaut, sa responsabilité – ainsi que celle des enquêteurs – peut être engagée. Cette loyauté s’impose aussi aux salariés mis en cause : ils doivent rester discrets, coopératifs et chercher à établir la vérité, non à influencer le processus.
La transparence complète ce principe. Elle consiste à annoncer les étapes et la méthode d’enquête pour que chacun puisse s’exprimer librement en connaissance du cadre. Cette transparence peut toutefois être limitée si sa divulgation présente un risque pour l’intégrité d’une personne ou pour le bon déroulement de l’enquête.
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Cet article constitue la base d’un module de formation intitulé « Les 10 raisons de contester une enquête interne ». Il illustre la nécessité de maîtriser à la fois la rigueur juridique et les méthodes d’enquête pour garantir la légitimité du processus.

