Éthique des affaires et criminalité en col blanc dans le cadre de la CSRD
Deux lectures récentes m’ont marqué par leur force et leur complémentarité :
- Les Ogres, le dernier ouvrage du journaliste d’investigation Victor Castanet, consacré aux scandales des crèches privées.
- La criminalité en col blanc, de Patrick Carolus, avocat général près la Cour d’appel de Bruxelles, également professeur et engagé dans les instances internationales.
Ces deux approches – l’une journalistique, l’autre judiciaire – éclairent une même réalité : les dérives éthiques et la criminalité en col blanc portent une atteinte directe à notre système économique et démocratique.
Le regard du journaliste et celui du magistrat
Victor Castanet, à l’instar des journalistes d’investigation de Mediapart, possède cet art de collecter les preuves, de les mettre en perspective et de construire un récit qui frappe les esprits. Il rappelle que derrière chaque scandale, il y a une responsabilité humaine et des victimes bien réelles.
Patrick Carolus, quant à lui, adopte une approche plus technique. Son livre montre avec rigueur ce qu’implique la criminalité en col blanc : manipulations financières, contournements réglementaires, infractions pénales lourdes… Il ne se limite pas à l’aspect juridique, mais illustre ses propos par des exemples tirés de la culture et du cinéma, mettant en évidence l’impact de ces comportements sur la confiance collective.
En rappelant que le parquet européen a permis de récupérer plus de 15 milliards d’euros en 2022 sur ces infractions, Carolus démontre que l’éthique des affaires n’est pas une simple question de management, mais une question de justice et de responsabilité.
Quand le “mauvais management” masque la fraude
Certains continuent de considérer la criminalité en col blanc comme une série “d’erreurs de gestion”. Pourtant, les grandes affaires – de Kerviel à Dieselgate – montrent que les fautes individuelles ou collectives ne peuvent être réduites à des maladresses managériales. Patrick Carolus souligne combien il est crucial de comprendre ces actes comme des infractions qui touchent directement à la confiance dans les affaires.
Son ouvrage devient ainsi un outil précieux pour les cartographies des risques, notamment en matière de faux en écriture, d’abus de confiance ou de fraudes systémiques.
Éthique des affaires et CSRD
Ces réflexions résonnent directement avec la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et l’approche ESG. Beaucoup d’entreprises considèrent encore les mises en cause judiciaires comme des événements du passé. Mais la vraie question est : quelles mesures avez-vous mises en place pour que cela ne se reproduise pas ?
La réponse la plus fréquente consiste à changer de direction générale, en affichant un engagement éthique renouvelé. Mais peut-on sérieusement considérer cela comme une garantie ?
Dans son analyse, Victor Castanet rappelle que la CSRD ne se limite pas à des cases à cocher. Elle exige un double regard :
- Quantitatif, à travers des données concrètes (turn-over, accidents du travail, absentéisme, fraudes sociales ou comptables, contentieux judiciaires).
- Qualitatif, via le narratif et la cohérence de l’entreprise face à ses parties prenantes.
Ces indicateurs rejoignent les préoccupations soulevées par Carolus : les manquements éthiques, même anciens, sont révélateurs d’un système fragile si l’organisation n’a pas renforcé ses dispositifs de contrôle et de prévention.
L’affaire, c’est l’argent des autres
Patrick Carolus cite Alexandre Dumas fils : “Les affaires, c’est bien simple, c’est l’argent des autres.” Cette formule, toujours actuelle, rappelle que l’éthique des affaires touche directement à la confiance que citoyens, clients et investisseurs placent dans les organisations.
La convergence du travail d’un journaliste et d’un magistrat éclaire ce message : au-delà des sanctions, il s’agit d’une exigence de transparence, de responsabilité et de justice sociale.