Un statut consacré par la loi
La loi du 21 mars 2022 consacre un nouvel acteur au sein de l’entreprise : le lanceur d’alerte. Tout comme le délégué syndical, il se voit octroyer l’habit du statut protecteur. Tout comme le délégué syndical, l’employeur ne peut pas le « virer comme il l’entend ». L’objectif est simple : celui de permettre les conditions pour avoir le courage de dire la vérité…
Un arsenal protecteur
Tout un arsenal est donc prévu pour que le système fonctionne :
- Garantir l’impartialité et l’indépendance du système de recueil et de traitement par les instances dirigeantes, avec confidentialité, qualification des faits et absence de conflits d’intérêts, tandis que le lanceur d’alerte doit être de bonne foi.
- Assurer que tout le monde connaisse les règles via un code de conduite, dans un langage accessible et incarné par des mises en situation.
La mission du lanceur d’alerte
L’objectif est de prévenir, installer une culture qui distingue le bien du mal, définir un comportement éthique. Le lanceur d’alerte a pour mission d’alerter sur une atteinte à l’intérêt général, pouvant dénoncer dans la presse et transmettre ce qu’il a vu, sauf ce qui relève du secret avocat, à condition de ne pas faciliter une infraction liée au fiscal, au blanchiment, au financement du terrorisme, à la corruption ou au trafic d’influence.
Ici, la confiance se confronte à la loyauté. Le lanceur d’alerte doit être loyal, tout comme l’entreprise doit agir loyalement sur les preuves. Mais le jeu peut sembler déloyal : la communication aux ONG ou à la presse est possible sans qu’il soit (trop) inquiété.
Le rôle stratégique de l’avocat
L’avocat joue un rôle central dans ce dispositif :
- Par sa qualification pour évaluer le risque judiciaire et anticiper ses conséquences médiatiques ;
- Par ses garanties d’indépendance et de traitement des conflits d’intérêts ;
- Par sa contribution à la construction de règles contraignantes (codes de conduite, sanctions, enquêtes, recueil des alertes) ;
- Par son rôle dans la prévention des risques et l’assurance de règles connues, respectées et sanctionnées de manière juste.
L’avocat comme tiers de confiance
L’avocat est aussi un tiers de confiance pour traiter les affaires sensibles : recueil des alertes, qualification et traitement. L’enquête interne met en avant sa qualification professionnelle, mais exige impartialité, indépendance et déontologie. Il doit protéger les droits fondamentaux des mis en cause, garantir la confidentialité du lanceur d’alerte, et veiller au respect de la vie privée dans l’usage des preuves.
Le rôle central de la norme
Normes juridiques, normes sociales, normes de droit souple : la norme est centrale. Elle intervient de l’identification des risques (juridique, judiciaire, médiatique) à la fabrication d’outils d’adhésion ou de sanction.
Le risque réside dans l’arbitraire : celui qui décide seul du bien et du mal, l’autoritarisme du « dictateur éclairé ». Or la compliance repose à l’inverse sur la séparation des pouvoirs, la proportionnalité, l’adhésion collective.
Une vérité toujours à qualifier
Dans ce cadre, le lanceur d’alerte a-t-il toujours raison parce qu’il dénonce le puissant ? La vérité impose de qualifier les faits, les identifier, les recouper, éviter les biais cognitifs. L’exemple du procès médiatisé Johnny Depp / Amber Heard illustre bien l’écroulement d’éléments de preuve et la complexité de la vérité dans l’espace public.
Source : Le Monde du Droit du 16/05/2022